Lorenzo Peña, El ente y su ser. Un estudio lógico-metafísico, Université de León, Secrétariat de Publications, 1985, 21 x14,5 cm, 568 p.

L'auteur, est assurément l'un des plus grands philosophes espagnols, et l'un des plus originaux du monde contemporain, par la vigueur de sa pensée, la profondeur de ses vues et l'ampleur de sa documentation. Il soutint en 1979 sa thèse sur Contradiction et vérité. Etude sur les laits et la portée épistémologique d'une logique contradictorielle. Il défend l'univocité du mot étant (ente) et préconise une ontologie dialectique appelée ontophantique, fondée sur la théorie des opposés dont il retrouve les bases chez Platon, Nicolas de Cuse et Hegel. L'une des idées essentielles en est le principe de parité qui pose l'équivalence absolue entre deux êtres humains quelconques. Une telle philosophie doit aboutir évidemment à une étude logico-métaphysique de la relation que l'auteur, met effectivement en oeuvre dans tous ses ouvrages.

Deux directions donc dans cette étude

  1. Construction d'un système de métaphysique basé sur une logique capable de garantir cette construction à l'intérieur d'une orientation précise et

  2. Discussion en contrepartie des solutions proposées dans la tradition philosophique. L'auteur distingue entre la négation simple ou naturelle et la supernégation. En découle naturellement la distinction entre contradiction simple et supercontradiction, celle-ci se conjuguant avec la supernégation. En privilégiant cette dernière, L. P. introduit la pensée dignoscitive (selon le néologisme de l'auteur), qui n'établit aucune différence entre négation simple et supernégation, ni entre contradiction et supercontradiction.

L'auteur donne ses références, elles sont nombreuses, tant anciennes que modernes. Parmi celles-ci, citons Russell, Meinong, Frege, Quine, Strawson, Hintikka, P. T. Geach. Ce livre, partie d'une oeuvre plus ample, étudie les problèmes de l'existence, y compris l'inexistence et la référence, la relation de l'existence à la quantification existentielle, les descriptions et leurs traitements, l'articulation d'une théorie systématique et cohérente avec les vérités littéraires, enfin les relations de croyance avec les objets inexistants. A chaque fois, l'auteur présente sa solution personnelle dans le cadre de la philosophie traditionnelle, à laquelle il octroie une très large perspective. Notons ici, à propos du rapport essence-existence, les excellents chapitres sur Avicenne, saint Thomas d'Aquin, Duns Scot, l'interprétation heideggérienne de Kant, Frege et Wittgenstein.

A la suite, Lorenzo Peña développe sa propre conception ontophantique de l'exister. L'existence devient la vérité objective avec la nécessité de postuler des états de choses, puisque les étants sont réduits à être des états de choses. Il y a donc identité entre chaque chose et son existence. Nous percevons ici le scotisme sous-jacent, qui permet de définir l'existence comme relative, ainsi que le degré infime de réalité, puisque l'existence est quantification.

Une très grande oeuvre, qui appelle la recherche et la discussion, par exemple au sujet de sa position contre saint Thomas, et qui a le mérite d'engranger les logiciens modernes dans l'ontologie où se trouve effectivement leur place. Aussi bien, tout le travail de ceux-ci, Wittgenstein par exemple, est un effort pour réduire la dichotomie objet-fonction, sens- signification, donc essence-existence, et éclairer le monde de l'expérience quotidienne en définissant la vérité. Existence et vérité ne sont-elles pas les sujets capitaux des recherches contemporaines en logique, l'une des rares avancées efficaces, avec la psychanalyse, de la pensée philosophique actuelle?

A. REIX.

Revue Philosophique de la France et de l'Étranger

Année 1988. Numéro 4 (Paris, décembre 1988).